Traduction du Chant « ESSAP » : LA CLEF
Être souffreteux, où est la clef ?
Fleuve qui jadis bruissant coulait
Te voilà condamné à un séjour étale
Telle une lagune dans un lit trouble
Je pleure, hurle à longueur du temps
Qui me procurera la puissance mystique ?
Qui m’amènera auprès de l’Eternel ?
Pour que je le sacrifie aux démons
Debout à la cour des palabres
J’apprends que je ne peux dire mot
Car je suis un pauvre ingénu
Dieu du ciel, à présent dénudé !
J’entends murmurer au lever du jour
Qu’il jette les fourmis rouges au feu de braise
Pour le festoiement de minuit
Pourtant jamais je ne l’avais vu téméraire
Au temps où mon glaive se dressait
Non, tous ces ragots ne visent qu’à m’affaiblir
Mais que personne ne se méprenne !
Il n’est point de rumeur
Pour ébranler ma stature d’erectus
Ni entamer la clef en moi incandescente
Forgée au plus profond de la tête du ciel
Homme, toujours !je vivrai tel quel !
Le cœur inondé de tristesse
Je me tiens au sommet de la colline
Souffrant dans la corne du temps
Pour secouer les esprits somnolents
A qui j’adresse ces quelques mots :
Tout peuple se meurt
Et vous détournez la tête
Est-ce par arrogance ?
Ou une nouvelle pathologie ?
On le sait bien :
Sans amour, la haine triomphe
Moi Nkulugu Mefan
Divinité qu’on entend à l’orée des champs
Je vous l’explique par cet obscur apophtegme :
Qui se livre à des facéties sur les pas de l’éléphant
Revient toujours au village l’haleine rompue
Les jambes suspendues au cou
Oui, tout homme voué aux fétiches
Se retrouve dévoré par le ver
N’est-ce pas Mbomeyo ?
L’affreux contre qui vibre le tam-tam
Oui, le tam-tam déchire la nuit
Et le message devient toupie
Le tam-tam rit et pleure
Le tam-tam bat dans le village asservi
Le tam-tam pleure la manne volée
La source tarie
Les mânes enlevés
Le tam-tam réclame le fils né au cœur du raphia
Qu’il veut voir hissé sur le trône de l’ETRE
Source: Marc MVE BEKALE, Pierre Claver Zeng et l’art poétique fang,
esquisse d’une herméneutique, Paris, l’Harmattan, 2001, pp. 168-169.