Traduction de BIBULU : PATRIE D’ANTAN
Homme, je porte le deuil de la terre d’antan
Terre où j’ai vu le jour
Habitée par un peuple à la noirceur rayonnante
Terre des matinées cristallines
Terre d’hommes fiers à la silhouette altière
Frère à la mémoire oblitérée, n’oublie guère :
Bibulu est immense à la démesure
Humilié, l’idiot s’est assagi
Au venir de cette terre d’exubérance
A la nourriture aussi belle que la sylve étalée
Où la courge et la botte d’arachide
Rivalisent de protubérance
Homonyme, n’oublie jamais :
Bibulu est pur sucre
Homme, pourrais-je m’en remettre ?
La solitude et le vide m’assaillissent
De miauler le chat a succombé à ses caprices
J’ouvre la bouche pour énoncer la Parole
A l’instar de la divinité de eaux Medzim Nsessol
Dont le verbe a les accents d’un balafon matinal
Le voyage n’est regret que sur le chemin du retour
Au départ l’ignorance obscurcit souvent l’horizon
Que ceux qui veulent savoir aient le regard hérissé !
Pour voir éclore la courbe aux contours diaprés
Oui, homonyme : Bibulu reste toujours pareil
En ce temps-là
Nous érigions des campements de pêche
Mangions cru au pied de la canopée
Attendions le soir autour du gril
Après que nous eûmes battu les sous-bois
Oui, nulle excursion ne peut rivaliser
L’aveugle voit de sa canne
Le guérisseur vénère la feuille d’herbe
Tout peuple croit en sa patrie
Mais pas une ne peut se mesurer à Bibulu
Tout au long du sentier
Pionneirs tout entiers
Nous déclamions la lignée
Clamions notre bonté
Tout au long du sentier
Pionniers tout entiers
Nous reposions la tête sur la parenté
Nous cajolions la belle-famille
Nous ne reniions guère nos déités
Tout au long du voyage
Lorsqu’éclatait la guerre
Les garçons ouvraient la danse du Sô
Le chasse-mouches balayait l’air
Alors que le tam-tam rythmait nos sauts
Nous priions autour des reliquaires
L’oreille accolée à la terre
Les femmes saluaient les statuaires
Bibulu est à la démesure de nos pères
Tel se tailladait le corps
Attendant la racine sur le feu
Oui ! nous fûmes un beau décor
Père, e suis las des dénigrements
Tout au long du voyage
Nous avons marché et séjourné
Sur les berges du fleuve Ntem et Woleu
Sur les rives de l’Ogooué et Nkiê
A présent, j’entends une voix qui m’appelle
Dans la contrée où mon pas s’égare
L’homme belliqueux croit en son corps
Quant le sage ajuste la raison
Notre terre mise à sac
Alors, je range mon armure
Et clôt la danse par le silence
Ce n’est qu’une légende
Fils de la cité des Bambous
Mon lyrisme incandescent
Est écho de la terre des ancêtres
Je ne suis pas homme de mélange
J’exècre les solutions hybrides
Moi, racine du padouk
Moi, poutre du corps de garde
Est-ce vrai, fils de mes rêves ?
Oiseau chanteur des merveilles
Est-ce la fin ou une trêve ?
Que ton cœur s’est endurci !
Voilà mes nuits chargées de larmes
De ne plus entendre ta voix magique
Source: Marc MVE BEKALE, Pierre Claver Zeng et l’art poétique fang,
esquisse d’une herméneutique, Paris, l’Harmattan, 2001, pp. 145-147.